La leçon de mode suédoise

Mode suédoise
©SimonPaulin/imagebank.sweden.se

Du 19 au 23 novembre 2018, c’est la Fashion Week à Stockholm… mais seulement sur les podiums. Dans la rue on a parfois l’impression d’un renoncement à la couleur et/ou à toute forme d’originalité. Le suédois et la mode, c’est aussi du domaine du lagom. Pourtant l’année passée le secteur de la mode a réalisé 326 milliards de couronnes de chiffre d’affaire, un chiffre en constante hausse (grâce notamment aux exportations). Les Suédois (mais pas que) seraient donc prêts à dépenser des fortunes pour avoir des vêtements « quelconques » ? C’est un peu plus compliqué que cela.

Si on regarde les marques suédoises qui marchent, et celles qui montent, trois grandes tendances se dégagent : les classiques, les idéalistes et les enfants terribles. Ces trois générations se côtoient sans heurts et collaborent même souvent… en bons Suédois.

Classique : mon grand et long manteau noir

©AnnaSigge/imagebank.sweden.se

C’est LE basique suédois. Il représente le côté classique, le style intemporel et la retenue des créateurs suédois. Dans cette lignée Tiger of Sweden a débuté en 1903 avec pour objectif de faire sortir le traditionnel costume pour homme du bureau à la rue. Plus récemment Nikolaj d’Etoiles, House of Dagmar, Totême, Carin Rodebjer, Carin Wester ou encore Anna Holtblad ont rejoint ce courant de l’élégance intemporelle, avec des lignes simples et droites. Moins c’est mieux ! Les lignes épurées et les vêtements sobres, on les retrouve aussi chez Altawaisaome, Nakkna ou Hope mais un brin vintage, enfin seulement un brin : quand Hope revisite le style années 80, c’est sans épaulettes ni jaune fluo. Les extrêmes sont encore un peu mal vus.

Nudie Jeans
©UlfLundin/imagebank.sweden.se

L’autre classique de la garde-robe unisexe, c’est le jean, davantage en lien avec le côté « fonctionnel » des habits. Filippa K(nutsson) a débuté en 1993 avec des jeans féminins en stretch. Acne (Amibition to Create Novel Expressions), fondé en 1996, a aussi commencé en créant des jeans unisexes. Dans les années 2000, Denim Demon, Neuw denim puis Denim is Dead sont arrivés pour dépoussiérer ce marché vieillissant. Le jean c’est simple, pratique et confortable ; plus besoin de souffrir pour être beau ou belle. D’ailleurs, combien de talons hauts avez-vous croisé récemment ?

Le confort et la fonctionnalité vont de pair avec la simplicité pour des marques comme J.Lindeberg, COS ou Arket (tous deux des enseignes haut de gamme du groupe H&M). Et comme il n’y a pas de mauvais temps mais que de mauvais vêtements, Stutterheim revisite depuis 2010 le ciré de pêche. Des pièces réalisées 100% à la main et dont les modèles les plus vendues vont… du bleu foncé au noir.

Imperméable rouge
©AlexanderHall/imagebank.sweden.se

Éthique : mon top en coton bio équitable recyclé

Les suédois et le recyclage, c’est du sérieux. Hors pour les vêtements, il y a du boulot. Une étude de 2011 a montré que 13 kg de vêtements étaient achetés par an, mais seulement 2,5 kg étaient recyclés et 8 kg finissaient à la poubelle. Depuis, les magasins de seconde main et les pièces durables ont le vent en poupe. Et si en plus le vêtement respecte la planète et les ouvriers du textile, on fait vraiment une bonne action.

Pull FilippaK
©FilippaK/imagebank.sweden.se

Filippa K est un cas d’école de l' »Eco-luxury » à la scandinave. Non contente d’utiliser des matières éthiques et bio, la marque propose de récupérer votre vêtement usé contre un escompte de 15% sur votre prochain achat. Le vêtement sera réparé au besoin puis offert à une association caritative ou revendu en seconde main. L’iconique sac Sandqvist serait inusable, mais en cas d’accroc, il peut se réparer en boutique, ou s’échanger contre 20% de réduction sur le prochain achat. L’ancien sera ensuite réparé ou démonté pièce par pièce pour débuter une seconde vie. Des marques comme Camilla Norrback ou Our Legacy se sont créées dans le même objectif de durabilité. Rave Review va plus loin et n’utilise que des matériaux revalorisés, trouvés dans les dépôts-ventes, sur le net, ou chez des sociétés de recyclage à l’étranger.

©KristinLidell/imagebank.sweden.se

Depuis 1976, Gudrun Sjöden prône les matières naturelles pour tous, toujours dans le souci de l’environnement. Idem pour Uniforms for the Dedicated mais dans un style beaucoup moins hippie. Parmi les enseignes qui promettent des matières bio et du coton organique on retrouve Nudie Jeans et Twist & Tango, le « Petit Bateau » scandinave. Et puis il y a une nouvelle génération d’engagés, comme K-ourage (2016) qui veut changer le monde en faisant de la mode idéologique, Swedish Hasbeens (2006) qui produit de « meilleures chaussures pour un monde meilleur » ou encore Hi on Life (2015), qui soutient le tailoring traditionnel au Ghana.

Chaussures-sabots
©MelkerDahlstrand/imagebank.sweden.se

Excentrique : mon top imprimé

Derrière leur façade stéréotypée et bien-pensante, certains Suédois rêvent à un peu plus de folie. Question de génération ? Influence de l’immigration ? Il y a en tout cas plus de diversité dans les rues de Suède aujourd’hui que dans les années 60, et la mode en profite.

Cela a commencé timidement avec par exemple en 1999 Whyred Shop, qui collabore avec le monde de l’art et de la musique pour des collections plus originales. Évidemment le groupe H&M n’a pas manqué l’occasion de créer deux marques, l’une créative et minimaliste, & Other Stories (2010), l’autre rebelle et trash, Cheap Monday (2004). La créatrice des jeans IGGY, Ingrid Berg, 15ans seulement, déclare avoir commencé à peindre ses jeans pour rendre fous ses parents ! Les marques inspirées du streetwear sont entre autre WeSC (WeAretheSuperlativeConspiracy), côté skateboard, Hi on Life côté hip-hop ou Sandra Backlund côté … tricot, mais sculptural le tricot.

©EmmaSvensson/ElleSweden

Parmi ceux qui « osent », on retrouve les bijoux d’Ingela Klemetz-Farago, via sa marque Ingy Stockholm, reconnaissable à ses boucles d’oreilles tellement surdimensionnées qu’en porter une seule est déjà largement suffisant. Le couturier Per Götesson joue lui aussi avec les proportions, fait porter à ses mannequins des pièces à l’envers et propose des pyjamas comme costume de jour. Les trois sœurs de Minimarket proposent également des tenues atypiques et associent de vraies couleurs vives. D’accord ce n’est pas encore Desigual mais c’est déjà un peu plus fantaisiste, non ?

©IngyStockholm

Contre toute attente, la mode suédoise regorge donc d’inventivité et de valeurs, même si la plupart du temps elles se cachent derrière un style sobre et discret. Enfin, seulement pour les adultes, car pour les enfants c’est une toute autre histoire.

 

A propos Jennifer D 20 Articles
Voilà quatre ans j'arrivais dans un pays dont je ne connaissais rien. Après un long congé maternité qui m'a donné tout loisir de percer à jour la ville et ses trésors, me voici désormais à enseigner et à découvrir le monde du travail suédois. Sans oublier d'écrire sur les sujets qui me tiennent à cœur : les sorties en famille et la vie culturelle stockholmoise.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.