
Sorti le 8 janvier aux éditions Calmann-Levy Noir, Les morsures du silence est le dernier livre de Johana Gustawsson qui, malgré son nom, est une Française de la région marseillaise. Avec un bagage plus européen que purement franchouillard, Johana, grande fan de littérature noire, utilise sa plume pour rédiger des polars dans la plus pure tradition scandinave. Quand elle n’est pas en tournée, elle vit à Stockholm avec ses 3 enfants et son mari suédois. Entre 2 avions, la SEK lui a posé quelques questions sur sa vie d’auteure et sa relation à la Suède.
– Johana, d’où viens-tu et qu’est-ce qui t’a amené à Stockholm ?
J’ai grandi à Aubagne, près de Marseille, dans une famille un quart catalane et passionnée de lecture, et je vis en Suède depuis maintenant un peu plus de trois ans.
La vie joue d’étranges tours, quand même : après douze années passées à Londres, je devais emménager en Provence et enfin retrouver la terre accrochée à mes souliers, mais le Covid et Brexit en ont décidé autrement. Nous avons donc changé de cap et déposé nos valises en Suède, d’où est originaire mon mari, sur une île à l’est de Stockholm.

– Quelle lectrice es-tu ?
J’ai toujours été une lectrice insatiable. Je devais avoir 7 ans lorsque ma mère, institutrice, m’a mis entre les mains La Mystérieuse Affaire de Styles d’Agatha Christie, qui a été un coup de foudre. J’ai donc plongé dans l’écriture avec un bonheur inouï qui ne m’a plus quittée. J’aime les romans policiers, ce qu’on appelle aujourd’hui le noir, et je ne pourrais pas vivre sans poésie et sans théâtre classique. La poésie est pour moi comme la musique, elle me bouleverse. J’ai une immense admiration pour Baudelaire, Rimbaud, et Rostand… Si je devais ne plus jamais lire que deux œuvres dans ma vie, je choisirais Les Fleurs du mal et Cyrano de Bergerac.
– Qui aimes-tu parmi les auteurs suédois ?
Parmi les auteurs suédois, j’aime beaucoup Camilla Grebe, ce qu’elle dit, les problématiques qu’elle pose et comment elle l’écrit, avec une écriture précise et poétique, notamment L‘Archipel des larmes qui parle de la société et de la place des femmes sur plusieurs décennies en Suède. Je lis également de la poésie quand j’ai envie d’un peu de beauté, par exemple la danoise Sussi Louise Smith qui me touche particulièrement et que je cite en exergue de mes deux derniers livres. Je relis aussi des romans classiques avec un regard d’auteure et plus avec mes yeux de 16 ans. Mais oui, j’aime encore lire d’autres choses, ça fait travailler mon cerveau !
– As-tu toujours écrit ?
Enfant, j’écrivais des poèmes, mais je rêvais d’être actrice ! J’ai d’ailleurs suivi les cours d’une école d’acteur parisienne avant de me rendre compte que je n’aimais ni les castings ni l’apprentissage des rôles… non ce que j’aimais c’était les textes. J’ai donc commencé à travailler comme journaliste, d’abord en télé puis en presse écrite. Et c’est une expérience de ghost writer qui m’a fait découvrir que j’aimais autant écrire que j’avais aimé lire.
Je ne me sens pas particulièrement influencée par mes lectures mais Agatha Christie et son Hercule Poirot sont réellement fondateurs dans mon envie de raconter des histoires, et comme je suis restée une lectrice fanatique, je dévore bien d’autres rois et reines du crime, Coben, PD James, Cornwell, Mankell, Lansdale…
J’ai commencé à publier chez Bragelonne et Hauteville, et j’en suis partie parce que mon éditrice actuelle (Caroline Lépée de la maison d’édition Calmann-Lévy) est venue me chercher… J’ai la chance d’être super bien entourée par une équipe absolument géniale, j’ai de nombreux projets de livres avec elle pour de longues années et j’en suis ravie !
– Comment te lances-tu dans l’écriture d’un nouveau livre et à qui le fais-tu lire en premier ?
Quand j’écris, j’ai avant tout envie d’écrire une histoire. Pour les Morsures du silence, la scène du début s’est imposée à moi et après sont venues les choses dont j’avais envie de parler, dont mon expatriation en Suède et le thème du consentement. Mais je ne fais pas un livre pour parler d’un thème, disons qu’ils s’inscrivent dans l’histoire au fil de mon écriture. Mon premier lecteur c’est mon Papa, je lui envoie le livre chapitre après chapitre, je lui dis de quoi ça parle mais il ne connaît ni les tenants et les aboutissants, exprès pour qu’il se fasse surprendre ! Ensuite, ma sœur qui est psy le lit aussi, elle peut ainsi me dire si l’histoire se tient.
– Quelle est l’influence de la Suède sur ton écriture ?
La Suède est au cœur de mon écriture. Elle a été présente dès le début de ma carrière d’autrice, avec mon roman Block 46 et la trilogie Roy et Castells (Block 46, Mör ou encore Sång) qui se passe en partie sur la côte ouest suédoise, d’où mon mari est originaire ; à Falkenberg, plus précisément. Pour mes deux derniers livres, L’Île de Yule et Les Morsures du silence qui vient de sortir en France, j’ai planté mes racines là-même où je vis, dans l’archipel de Stockholm.
Ce qui m’a frappée dès que j’ai rencontré mon mari, c’est combien ma culture méridionale et la sienne, scandinave, étaient différentes et parfois même opposées de façon comique, mais aussi horripilante, pour être honnête ! Je devais forcément écrire sur le sujet. Et les paysages suédois sont si inspirants, d’une beauté à la fois rude et hypnotique, Ils me donnaient envie d’inviter mes lecteurs au voyage.
– Pour toi, quelle est la principale difficulté du choc culturel avec la Suède ?
Ce qui me manque, c’est le contact, moi je suis une fille du sud, je suis tactile, j’ai besoin de toucher, de sourire, j’ai le sens de l’accueil. Et la distance avec les gens en Suède, c’est quelque chose de très dur pour moi, que je n’avais jamais ressenti ni imaginé. Mon mari est suédois mais a un côté assez latin ! Cela l’attriste mais lui comme moi ne pouvons rien y faire… et la société suédoise a tellement de côtés positifs ne serait-ce que pour l’éducation des enfants… C’est à moi à m’adapter.
– Pourrais-tu écrire en suédois ?
Oh mon Dieu, non ! Je peux dire que je suis une grande déception pour moi-même ! Lorsque je me suis installée en Suède, j’avais prévu d’apprendre la langue des Vikings en quelques mois, étant donné que je parle déjà couramment l’anglais, l’espagnol et que je comprends certaines langues régionales espagnoles comme le catalan et le valencien. Mais depuis que je suis en Suède, j’ai eu énormément de travail : beaucoup de tournées à l’international pour promouvoir mes livres, davantage de projets, et mes trois fils sont encore petits, donc le temps que je passe avec eux est précieux.
Et puis, il y a aussi cette angoisse devenue obsession de travailler ma langue maternelle, pour ne pas la perdre. À laquelle maintenant s’ajoute la langue anglaise, puisque j’ai co-écrit un livre en anglais, avec Thomas Enger, un auteur scandinave. Il s’agit d’un thriller intitulé Son qui se déroule en Norvège et sort le 13 mars au Royaume-Uni et est le premier volume d’une trilogie. Donc voici toutes les excuses que je liste pour mon mauvais niveau en Suédois !
Mes livres ne sont pas encore traduits en suédois. Je suis traduite dans presque 30 pays mais toujours pas en Suède ! Celui que j’ai écrit en anglais va être traduit en norvégien, donc on peut espérer que cela change bientôt…
– Peux-tu nous présenter ton dernier roman ?
En voici le pitch brillamment écrit par mon éditrice ! (Je suis nulle pour faire ce genre de résumé) :
Vêtu d’une aube blanche et coiffé de bougies, un adolescent est retrouvé le crâne fracassé sur l’île de Lidingö, qui fait face à Stockholm. Or vingt-trois ans plus tôt, une jeune fille a été découverte assassinée elle aussi, au même endroit, dans le même costume traditionnellement destiné à fêter la Sainte-Lucie. À l’époque, le petit ami de la victime avait été condamné pour ce meurtre qu’il a toujours nié.
Était-il innocent ? Le véritable coupable aurait-il frappé à nouveau ?
Mais pourquoi maintenant ?
Le commissaire Aleksander Storm, avec l’aide inattendue de la policière française Maïa Rehn récemment installée en Suède, va obstinément tenter de démêler les fils de cette énigme. Et mettre au jour un secret enfoui depuis si longtemps qu’il a fait bien des ravages…
– Comment gères-tu ta vie professionnelle et ta vie privée ?
Ah ! C’est une question que l’on me pose souvent ! Je travaille non-stop et je dors très peu ! En dehors de mon travail et de mes enfants, j’ai une vie sociale uniquement quand je voyage et que je m’organise pour croiser mes amis éparpillés dans le monde. En Suède, j’ai peu de moments pour moi.
– Où peut-on te croiser ?
Je fais une tournée dans toute la France pour la sortie des Morsures du Silence, salons, librairies, festivals, je participe aussi à des rencontres sur un thème donné comme la noirceur dans les films d’Almodovar, et je vais également donner un cours d’écriture en prison… Je serai un peu partout, avec des petits détours via le Royaume-Uni, le Canada et L’Inde pour Son et la trilogie Roy et Castells. Toutes les dates sont sur mon site ! Mais sinon, je dirais que la boulangerie Bröd & Patisserie de Lidingö est un bon repère pour la Française que je suis en manque de saveurs de chez moi !
Toutes les infos de Johana sur son site internet : www.johanagustawsson.com
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