Portrait clefs des champs : Sonia maraîchère ⋆ La Suède en kit

Elle a la patate lorsqu’elle abandonne sa vie bien rangée dans la capitale des Gaules, et débarque avec mari et enfants au plus profond de la Suède. Sans se raconter des salades, pour ne pas perdre sa vie à la gagner, elle délaisse la culture gastronomique lyonnaise pour se consacrer à celle des légumes et des fruits à quelques kilomètres d’Ulricehamn. Knalten, sa ferme du Västra Götaland, ne compte pas pour des prunes, c’est le rêve d’une culture en biodynamie, le trou de verdure où elle raconte sa terre nourricière, les mains dans les semis, au coeur de sa pépinière. Un coeur d’artichaut nantais qui se prend pas le chou : Sonia maraîchère en permaculture.

Ferme de Sonia et Pierre Katarincek — ©Pierre Katarincek

La Suède en Kit : Pourquoi et comment es-tu arrivée en Suède ?

Venus en reconnaissance depuis 2007 plusieurs étés dans cette région, coup de foudre pour une maison et achat en novembre 2013, nous déménageons en 2014. Dans nos bagages, une grelinette indispensable à notre projet d’une culture propre et verte sur notre terrain et pour nos deux enfants une ouverture culturelle et linguistique.

Pierre Katarincek travaillant au champ — ©Pierre Katarincek

On a eu des hauts et des bas, le quotidien d’une famille de paysans jardiniers maraîchers en Suède diffère totalement de la vie de quatre personnes dans un cadre urbain francophone. Nous apprenons le suédois rapidement grâce à SFI, les enfants s’adaptent à leur rythme au milieu scolaire. Difficile au début pour l’aîné, les garçons apprécient leur nouvelle vie, la nature et participent volontiers aux activités de la ferme. Jusqu’en 2018, pour compléter les revenus du maraîchage, je travaille au Boulebar de Jönköping, donne des cours de français.

Depuis 2019, Pierre, mon mari, travaille à 100 % sur l’exploitation, nous sommes bien sûr autosuffisants en légumes et membre d’une reko-ring qui commercialise nos produits élevés à l’engrais vert (consoude, fumier de cheval ou de poule). Nous cultivons en rotation, une quarantaine de variétés sur plusieurs parcelles divisées en lits de culture selon les familles de légumes : les choux, les carottes, les oignons, les pois et les betteraves. Dans notre serre pépinière, c’est l’effervescence en ce moment, nous replantons nos jeunes pousses de primeurs, nos plants de tomates variées, concombres, aubergines et piments. En pleine terre, je plante 50 pieds d’amélanchiers, j’ai envie de faire découvrir cette délicieuse petite baie venue du Canada. Tout doit être prêt pour l’ouverture de mon magasin à la ferme, fin juin.

Tous les mercredis jusqu’à la Toussaint, ma gårdsbutik Knalten est le rendez-vous incontournable des gourmets amateurs de bons produits bio locaux, j’y vends en plus de nos légumes, du fromage français d’un petit producteur, du miel et des oeufs et bien sûr des grelinettes made in France. C’est un outil inventé par André Grelin en 1958, emblématique de l’agriculture biologique, qui permet d’ameublir et d’aérer la terre sans perturber le sol, que nous sommes fiers d’avoir introduit en Suède. Nous faisons aussi les petits marchés en saison.

La Suède en kit : Où seras-tu et que feras-tu dans 5 ans/10 ans ?

Nous nous plaisons tellement ici, nous sommes une source d’inspiration. Mes beaux!parents retraités nous ont rejoint et habitent dans une stuga non loin de chez nous. Alors dans 5 ans, en famille, je cultiverai mes légumes, me baladerai à vélo et me baignerai dans notre petit lac, je ferai comme maintenant. Je pense élargir mon offre avec des légumes oubliés, des variétés anciennes de tomates cultivées en serre-tunnel. J’ai plein d’idées et je suis ancrée dans cette terre, c’est mon équilibre. En fait, la seule chose qui me manque, ce sont les soirées “déconne et folklo” pendant lesquelles on refait le monde, les joutes verbales jusqu’au bout de la nuit en buvant un pot.