
La Suède traverse actuellement une crise parlementaire sans précédent : c’est en effet la première fois qu’un Premier ministre est défait de ses fonctions. Voici un résumé des événements qui ont amené à cette situation et une explication de ce qui va se passer dans les semaines à venir.
Accord de janvier
Après les élections générales de 2018, le chef du parti social-démocrate Stefan Löfven a formé, après quatre mois de pourparlers, un gouvernement avec le Miljöpartiet (M, les Écologistes), avec le soutien du parti du Centre (C) et des Libéraux (L). Cette entente entre partis qui eut lieu en janvier 2019, prit le nom d’Accord de janvier, Januariavtalet, et comprenait 73 points à mettre en place jusqu’aux élections suivantes, en 2022.
À l’époque, Jonas Sjöstedt, le chef de Vänsterpartiet (V, la Gauche) regrettait un virement à droite de la politique sociale-démocrate et critiquait le fait que son parti soit écarté des négociations, alors que les voix des députés de son parti étaient nécessaires pour obtenir une majorité au parlement.

Libéralisation des loyers
Le 25 avril 2020, le gouvernement prit la décision de lancer une enquête sur la libéralisation des loyers pour les appartements nouvellement produits, le point 44 de l’Accord de janvier. V et les Démocrates de Suède (SD, à l’extrême-droite) se sont toujours opposés à cette enquête, car ils considèrent que c’est un premier pas vers la dérégulation des loyers.
Le rapport de cette enquête fut présenté le 4 juin 2021. Entre temps, Sjösted avait été remplacé par Nooshi Dadgostar à la tête de V, qui menaça de faire tomber le gouvernement Löfven si le projet de libéralisation des loyers était poursuivi. Dadgostar donna 48 heures, soit jusqu’au 17 juin à 10h, à Löfven pour soit renoncer à ce projet, soit mettre en place des négociations avec Hyresgästföreningen (l’Association des locataires). Au terme de cet ultimatum, V informait leur volonté de déposer une motion de défiance. Il fallait pour cela rassembler au moins 35 députés pour que le parlement en fasse acte, ce qui fut possible grâce au soutien de SD qui compte 62 députés, V n’en comptant que 28.

Motion de défiance
Le dimanche 20 juin, le premier ministre et Annie Lööf, à la tête de C, annonçaient vouloir déléguer les négociations des loyers aux différents acteurs du marché du logement d’ici le 1er septembre (à l’image de ce qui a eu lieu lors de la réforme de la loi du travail) ; en cas d’échec, la proposition du gouvernement serait appliquée. Ce à quoi s’opposa fortement Dadgostar qui continua à exiger que le projet soit totalement abandonné.
Le vote de défiance eut donc finalement lieu lundi 21 juin : il fallait au moins 175 voix pour renverser le Premier ministre (et par conséquent le gouvernement). Les Modérés (M), les Chrétiens-démocrates (KD) et les Libéraux (L) se sont joints au mouvement – alors qu’ils ne sont pas contre la libéralisation des loyers – et ce sont ainsi 181 députés qui ont voté pour défaire Löfven de ses fonctions.
Depuis 1980, 12 motions de défiance ont été déposées, mais c’est la première fois que le nombre de votes fut suffisant ce 21 juin. Löfven avait alors deux solutions : soit démissionner – auquel cas il en revient au président du parlement, le talman Andreas Norlén, de trouver un nouveau ministre que le parlement pourra tolérer –, soit annoncer des élections extraordinaires 3 mois plus tard, c’est-à-dire un an avant les élections générales de septembre 2022. Löfvén avait une semaine pour annoncer sa décision.
Entre temps, Nyamko Sabuni, chef du parti des Libéraux, considérait que l’Accord de janvier avait échoué et qu’elle ne comptait plus soutenir Löfven : si le Premier ministre choisissait de démissionner, L soutiendrait un candidat de droite, conservateur. Depuis l’arrivée de Sabuni à sa tête, L s’est rapproché de la droite et est même prêt à négocier avec SD.
Dadgostar, quant à elle, affirmait qu’elle était prête à soutenir la candidature de Löfven si la libéralisation des loyers disparaissait de l’Accord de janvier. C’est ce qu’annonça Lööf mercredi dernier en affirmant retirer ce projet ainsi que sa volonté de re-négocier l’Accord de janvier. Mais L refusa cette re-négociation. En même temps, V se disait prêt à revenir sur ses exigences d’augmentation des impôts pour pouvoir négocier le budget de l’état aux côtés de C, ce que C refuse catégoriquement.

Démission du Premier ministre
Ce lundi 28 juin matin, Löfven annonça finalement sa démission, confiant ainsi au talman la mission de trouver un.e candidat.e au poste de premier ministre. Ce mardi, Andreas Norlén, va donc effectuer des talmansrundor, c’est-à-dire rencontrer tous les chefs de partis politiques représentés au parlement dans l’ordre décroissant du nombre de députés : les Sociaux-démocrates, les Modérés, les Démocrates de Suède, le Centre, la Gauche, les Chrétiens démocrates, les Libéraux et les Écologistes, dans le but de sonder les possibilités d’un nouveau gouvernement. Dès qu’un candidat sera susceptible de pouvoir rassembler au moins 175 voix au parlement, il sera soumis au vote. Le talman peut proposer jusqu’à quatre candidats successivement. Si après 4 votes le parlement n’arrive pas à se mettre d’accord, alors des élections extraordinaires seront annoncées. Ce processus peut prendre une ou plusieurs semaines, voire quatre mois comme cela fut le cas après les élections de 2018, mais le talman a déclaré ne pas vouloir faire traîner les choses. Dès qu’un premier ministre sera élu par le parlement, il pourra former son gouvernement. Pendant ce temps-là, le gouvernement actuel reste en place.
Bonjour,
merci et bravo pour cet article clair, attention cependant à l’orthographe des noms, c’est Nooshi Dadgostar à la tête du VänsterPartiet! 🙂
Merci Clara pour la correction !